Le magasin Liberty, une institution londonienne
Il y a des évidences que l’on se plaît à ignorer comme des musées que l’on découvre sur le tard alors même que l’on passe régulièrement devant en levant à peine les yeux. Et c’est ainsi que j’ai longtemps ignoré une institution londonienne (il s’agit même d’une institution anglaise !), le grand magasin Liberty, sans vraiment savoir pourquoi. Ayant vécu dans la capitale anglaise, j’y ai arpenté avec enthousiasme jardins, musées et différents quartiers, m’arrêtant de temps en temps chez Selfridges ou Harrod’s (au rayon Maison bien sûr) afin d’y puiser l’inspiration et de découvrir de nouvelles choses. Liberty figurait bel et bien sur ma carte Londonienne, mais je m’obstinais à ne pas y aller. Ce qui est d’autant plus surprenant que cette superbe bâtisse avait tout pour me plaire, en particulier ce style d’architecture anglo-normande que j’aime tant.
Mais butée comme j’étais, je pensais que Liberty s’apparentait au marché Saint-Pierre (bien évidemment l’imprimé célèbre de la maison représentant de minuscules petites feurs, le Liberty, y était pour beaucoup) et je ne voyais donc pas trop l’intérêt de m’y attarder. Pourtant, je passais souvent devant et j’aurais dû être interpellée ne serait-ce que par les étals de fleurs à l’entrée. Mais peut-être n’existaient-ils pas à l’époque ? Je ne saurais m’en souvenir… Quoi qu’il en soit, les choses arrivant certainement au moment où elles doivent se produire, c’est à l’occasion d’une récente visite à Londres que j’ai pris enfin le temps (soit dix ans plus tard) de visiter ce célèbre magasin au charme suranné.
Je vous invite aussi à prendre le temps de visiter la librairie Daunt Books si vous aimez ces ambiances d’échoppes anciennes… cerise sur le gâteau, les libraires y sont d’une gentillesse incroyable.
Poser un pied chez Liberty c’est comme pénétrer dans un autre monde. C’est se sentir transporter et saisi dans une ambiance d’époque, chaleureuse, accueillante et colorée. Le magasin, de style Tudor, a été édifié en 1924 sur Great Marlborough Street (tout près de Regent Street) à l’instigation de son fondateur, Arthur Lasenby Liberty, un aventurier qui avait le goût des beaux objets artisanaux et des motifs originaux rapportés de terres lointaines. On y ressent une atmosphère cosy comme seuls les anglais savent la créer, et l’on découvre un bâtiment assez exceptionnel dont l’ossature se révèle dans toute sa beauté et sans trop d’artifices.
On prend le temps d’admirer ses panneaux de bois, sa charpente robuste dont le bois provient de navires, ses parquets et ses poutres. Sans oublier la verrière qui offre une source de lumière magnifiant ce décor d’un autre temps.
Le parquet craque sous nos pas, le mobilier est de style Arts & Crafts, on a l’impression de se retrouver dans le roman Au Bonheur des Dames de Zola et l’on prend un immense plaisir à déambuler à travers les différents étages, découvrant des produits et des tissus soigneusement sélectionnés pour des clients qui ont du caractère.
Un grand magasin, source d'inspiration
Chez Liberty, on n’est pas du tout dans le conformisme épuré et moderne d’un Conran Shop (qui pourtant était précurseur à une époque) voire parfois d’un Bon Marché (même si certaines de leurs expositions sont exceptionnelles comme la Famiglia sur l’art de vivre italien). Quand je suis chez Liberty, j’ai l’impression d’être un peu à la maison, avec des objets qui résonnent en moi et que je pourrais parfaitement ajouter à mon intérieur sans qu’ils détonnent.
Le décor y est bien sûr pour beaucoup et a été pensé à l’époque pour donner ce sentiment d’être dans une charmante demeure de la campagne anglaise. Ainsi, on trouvera des salles pensées comme les pièces d’une maison avec de très belles cheminées anciennes qui sont rehaussées par des carreaux de faïence bleus et blancs, des couleurs soutenues et puissantes aux murs, et toujours ces panneaux de bois qui permettent de mettre en valeur la quantité impressionnante de tissus aux différents motifs Liberty, que les clientes choisissent avec beaucoup d’attention pour confectionner une nappe, une blouse de style paysanne ou une robe.
Le magasin est très inspirant et les départements qui m’ont le plus enthousiasmé sont la maison et la papeterie – j’ai pu ramener quelques trésors, tant bien que mal (à vrai dire avec beaucoup de mal, mais il faut bien faire quelques sacrifices), dans l’Eurostar.
Dans la partie dédiée à l’art de la table, il y a une petite sélection de belles nappes (à des prix raisonnables – d’ailleurs voici une de mes tables avec une nappe achetée sur place), des verres de différentes formes et couleurs, des assiettes au style champêtre… et la maison Liberty met également en avant des collaborations exclusives avec certaines marques comme Emma Bridgewater ou Joséphine Dessine. Les abat-jours sont intéressants mais j’en ai achetés dans les Cotswolds l’automne dernier et de toute façon je n’aurais jamais la possibilité de les prendre avec moi dans le train. Les bougeoirs sont très sympas aussi, avec des illustrations colorées.
On peut y dénicher aussi des pots à crayons (ce que j’adore), des crayons (ça tombe bien) au motif Liberty et aussi de jolis carnets. J’ai retrouvé quelques mois plus tard certains de ces mêmes objets au Bon Marché (leurs équipes seraient-elles passées par là…?), ce qui est évidemment plus pratique que de se rendre à Londres. Dans l’ensemble, j’ai eu l’impression que les quantités et la sélection de certains produits étaient limitées chez Liberty. Par exemple je n’ai pas vu beaucoup de nappes différentes mais la sélection est pertinente et à mon goût, donc cela ne me dérange pas. Ainsi, si quelque chose vous plaît, ne tardez pas trop à vous l’offrir.
Je suis ravie d’avoir découvert ce grand magasin à ce moment de ma vie où je peux l’apprécier à sa juste valeur. C’est un lieu d’inspiration que je vous invite à découvrir et comme le disait dandy britannique Oscar Wilde, « Liberty is the chosen resort of the artistic shopper. »
